Pour répondre au sentiment d’abandon des campagnes, Dominique Marmier, président national de Familles rurales, dans une tribune au « Monde », suggère à l’Etat de garantir un socle minimum universel de services publics couvrant la santé, l’éducation, la mobilité et le numérique. Retrouvez l'intégralité de la tribune.
TRIBUNE "Le défi des territoires : de la FRACTURE à la reconnexion ! "
Texte intégral de la tribune parue dans le Monde le 1er décembre 2018
La mobilisation des « gilets jaunes », liée à l’augmentation des prix des carburants, exprime une colère populaire forte liée à l’accumulation des taxes et à la baisse du pouvoir d’achat. Elle n’est cependant pas seulement conjoncturelle mais révèle une cassure structurelle plus profonde. L’écart se creuse entre une population urbaine vivant dans les grandes métropoles, diplômée, parfaitement intégrée dans mondialisation et la révolution numérique, et une population vivant à l’écart de ces grands ensembles, dans les territoires ruraux et périurbains, dont les préoccupations quotidiennes divergent du fait du recul des services publics, des solutions de mobilités et de l’explosion des dépenses contraintes. Au sens large, cette France représente plus de 27 millions de personnes, soit plus de 40% de la population. (« Typologie des campagnes Française », DATAR, 2011).
France des gagnants, France des perdants de la mondialisation, métropoles dynamiques, territoires relégués etc. Le débat ressurgit à chaque élection mais les gouvernements successifs ne semblent pas avoir pris la mesure de la rupture qui est à l’oeuvre. Il n’est donc pas étonnant que des mouvements spontanés naissent à l’occasion d’évènements vécus comme des injustices supplémentaires qui ne peuvent plus être tolérées.
L’image d’une ruralité en déclin véhiculée dans l’opinion publique, qui s’est progressivement ancrée dans la société, et le sentiment d’abandon des ruraux confrontés au recul des services publics, à la difficulté d’accès aux soins, à la dématérialisation administrative sans accompagnement, à une couverture numérique insuffisante, nourrissent la fracture territoriale.
Pourtant, les territoires ruraux donnent envie et recèlent de nombreux atouts. Le mode de vie idéal pour 81% des Français serait de vivre à la campagne (« Territoires Ruraux : Perceptions et réalité de vie », Familles Rurales, IFOP, 2018). La qualité de vie est le moteur principal de l’attractivité des zones rurales et témoignent d’une forte aspiration de nos concitoyens à une vie dégagée des contraintes des métropoles.
Ces constats interrogent. Quel modèle de développement souhaitons nous ? Comment répondre à l’aspiration d’une meilleure qualité de vie de 81 % des français ? Comment valoriser le potentiel des territoires ruraux et trouver un équilibre et une complémentarité entre ville et campagne ?
Pour Familles Rurales, les ruralités sont un atout pour notre pays, à condition d’être collectivement capables, de relever le défi de l’innovation et de la modernisation de nos territoires.
Faisons des territoires ruraux des territoires d’excellence
La priorité est d’apporter des solutions rapides au recul des services de proximité dans leur ensemble, véritable fléau pour les habitants des territoires ruraux qui voient leur vie quotidienne se dégrader. Sans médecin, ni école, sans commerce, ni cinéma, un territoire n’est pas attractif pour un jeune ou une famille, et devient un facteur d’isolement pour les ainés. Familles Rurales renouvelle sa proposition d’instaurer un socle minimum universel de services au public, couvrant la santé, l’éducation, la mobilité et le numérique. Il devra être garanti par l’Etat et les collectivités sur chaque intercommunalité.
La révolution numérique qui bouleverse nos modes de vie, nos relations sociales, nos façons de produire, la transition écologique qui constitue un enjeu sans précédent pour préserver la qualité de vie des territoires ruraux, plébiscitée par les français, nous en offrent aujourd’hui l’opportunité.
Favoriser le télétravail, la télémédecine, l’accès aux services dématérialisés en accompagnant les administrés, est à même de reconnecter tous les territoires. Mettre en place de circuits courts, lutter contre la précarité énergétique, développer les mobilités vertes, la production d’énergies renouvelables de façon autonome, doit permettre le développement de « campagnes-intelligentes » s’appuyant sur la participation des habitants grâce aux outils numériques.
Il est urgent de reconnaître et de mettre en valeur les potentialités offertes par les zones rurales pour mieux les accompagner par des politiques publiques ambitieuses.
L’alliance des forces de la société au service de l’émergence des « nouvelles ruralités »
Les ruraux comme les Français placent la « France des campagnes » en tête des territoires délaissés. 51% des ruraux eux-mêmes estiment que le monde rural est « abandonné » mais ils ne sont que 5% à vouloir quitter leur territoire. Malgré la conscience des difficultés, l’attachement au territoire et à son mode de vie l’emporte et apporte la preuve que la ruralité a un avenir à condition d’une mobilisation forte de l’ensemble de la société.
Les habitants des territoires ruraux sont en attente d’une mobilisation du gouvernement qui doit apporter des réponses beaucoup plus fortes, à la hauteur des enjeux. Ayons l’ambition de construire un nouveau modèle. Pour cela, seul l’investissement de l’ensemble de la société permettra de développer les « nouvelles ruralités » que nous souhaitons voir prendre toute leur place. Au coeur de ces enjeux, Familles Rurales, agit avec son réseau d’associations et contribue à améliorer la vie quotidienne des familles. Fort de de son ancrage local et de sa capacité d’action, le Mouvement entend accroître ses efforts dans les prochains mois, en inscrivant l’innovation au coeur de son action. L’alliance des pouvoirs publics, de la société civile organisée, les acteurs privés, des citoyens, permettra de relever collectivement le défi des territoires.
Dominique Marmier
Président
Familles Rurales - Fédération nationale