Dans une lettre ouverte au Président de la République, la fédération de l’Indre rappelle le rôle essentiel des aides à domicile dans la prise en charge des personnes dépendantes (âgées, handicapées...) aux côtés d'autres professionnels du secteur. Mais, les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile connaissent des difficultés structurelles qui les mettent en péril.
Monsieur Emmanuel MACRON,
Président de la République française
Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre
Monsieur Serge DESCOUT,
Président du Conseil Départemental de l’Indre
A Châteauroux, le 19 juin 2020
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Dans un contexte de forte mobilisation des soignants et d’annonce de la création d’un cinquième risque, nous souhaitons vous alerter sur les difficultés importantes auxquelles sont confrontés les services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile, difficultés qui ont été aggravées par la crise sanitaire que nous traversons depuis près de 4 mois.
Sur le plan de la responsabilité d’abord, si les associations ont multiplié les initiatives pour adapter le fonctionnement de leurs services afin d'assurer la continuité de leurs accompagnements, notamment auprès des plus vulnérables, nous sommes confrontés encore aujourd’hui à de nombreuses difficultés : absence de visibilité sur les approvisionnements en équipements de protection individuelle, complexité à expliquer et à faire admettre à certains usagers les gestes barrières et/ou les protocoles appliqués.
Nous tenons à saluer le soutien apporté par le Conseil Départemental et l’Agence Régionale de Santé pour la fourniture d’équipements de protection et de masques chirurgicaux. En effet, après trois premières semaines très complexes, nous avons obtenu des dotations de masques suffisantes pour assurer la sécurité des personnes accompagnées et des salariés.
Ce soutien associé à un engagement sans faille des équipes salariées de nos structures ; et ce, malgré les nombreuses difficultés rencontrées, nous a permis de ne pas rompre la continuité d’accompagnements de publics dont la vulnérabilité s’est vue encore accentuée par la crise sanitaire.
Sur le plan de la sécurisation des financements pendant l’état d’urgence sanitaire, le 5° de l’article 1 de l’ordonnance 2020-313 du 25 mars 2020, qui s’applique à tous les établissements sociaux et médico-sociaux, indique que le niveau de financement de l’ensemble de l’offre n’est pas modifié en cas de réduction ou de fermeture totale d’activité.
Aussi, nous souhaiterions connaitre les dispositions prises par le département sur la compensation de la sous-activité réelle de nos services en raison de la crise Covid-19.
Par ailleurs, nous renouvelons nos demandes concernant la revalorisation des tarifs des prestations d’aide à domicile, en particulier pour la Prestation de Compensation du Handicap, à la hauteur du véritable coût de la prestation : pourquoi l’accompagnement à domicile d’une personne souffrant d’un handicap coûterait moins que celui d’une personne âgée dépendante ? Dans notre département, l’écart étant de 3,87 € de l’heure !
La prise en compte des surcoûts de tous ordres liés au Covid-19 est également un point sur lequel nous souhaiterions connaître votre engagement.
Enfin, le Gouvernement a annoncé le 7 mai et par voie de communiqué de presse le lendemain, une prime exceptionnelle à destination des professionnels des secteurs sociaux et médico-sociaux pour marquer l’engagement irréprochable durant cette crise sanitaire. Si le financement de cette prime pour les établissements relevant de l’Assurance Maladie a été explicité, l’interrogation demeure pour les services d’Aide à Domicile.
En effet, à ce jour, seuls les SSIAD (Services de Soins Infirmiers A Domicile) bénéficient de cette prime. Il est difficile de considérer que certains métiers médico-sociaux du domicile reçoivent une prime de 1000€ et d’autres non……alors que l’implication pour maintenir cette ligne de front face à la crise a été la même…
Nos services ne peuvent pas être considérés comme une simple variable d’ajustement, inclus ou non dans le cadre des soignants selon la volonté politique ou les besoins ponctuels (en référence à la liste des métiers prioritaires pour la garde d’enfants suite à la fermeture des écoles pendant le confinement)
En outre, nous tenons à rappeler que les conditions d’exercice du métier d’aide à domicile sont difficiles : isolement des salariés, horaires morcelés, amplitudes horaires de 12 heures y compris les week-ends, déplacements fréquents, travail à temps partiel, manque de reconnaissance… tout ceci concourt à renforcer le manque d’attractivité pour ce métier. Le versement d’une prime permettrait de reconnaître l’engagement de ces professionnels qui n’a pas failli pendant la crise, celle-ci ne devant pas, par ailleurs, occulter la nécessaire revalorisation plus globale des métiers de notre secteur.
La crise sanitaire a démontré le rôle indispensable des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile dans le système de soins. Par la mobilisation de nos équipes, nous avons contribué à ce que l’hôpital ne soit pas submergé.
Comme d’autres invisibles, les aides à domicile souffrent de rémunérations très basses, comme l’a souligné le récent rapport sur l’attractivité des métiers du grand âge (17,5% de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile, perte de 13% du pouvoir d’achat en 10 ans ...).
Dans ce contexte, comment ne pas s’interroger sur la nécessaire implication de l’ensemble des salariés du secteur de l’aide à domicile dans les futures crises sanitaires, la deuxième vague du COVID qui commence à sévir en Chine, les périodes de canicule de cet été ? En a-t-on seulement conscience ? Donnez-leur une chance de valoriser un professionnalisme qui ne leur a pas fait défaut jusqu’à aujourd’hui ? Mais demain…. ?
Nous sommes très inquiets quant à notre capacité à assurer la continuité de nos services, à court et moyen terme. Après plusieurs mois de crise sanitaire, nous craignons d’être confrontés rapidement à une crise sociale.
Nous comptons sur votre mobilisation pour obtenir les soutiens indispensables pour nous permettre de poursuivre notre activité.
Nous tenant à votre disposition, nous vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.
Signataires
Monsieur Lionel DESMOTS, Président de l’ASMAD
Madame Francette FAUCONNIER, Présidente de l’AIDAD
Madame Marie-Thérèse HERPIN, Présidente de l’Association Bien Vivre Chez Soi
Monsieur Christian LASSECHERE, Président Fédéral de l’ADMR
Madame Françoise MEILLEROUX, Présidente de l’AFD
Madame Michelle RICAUD, Présidente de la Fédération Familles Rurales de l’Indre