Alimentation et consommation
Anne Didier-Pétremant, directrice de l’association « De mon assiette à notre planète »
La loi Grenelle II oblige les restaurations collectives qui produisent plus de 10 tonnes de biodéchets par an à les trier et les valoriser à la source. Dans les cantines scolaires, 25 à 30% de nourriture est jeté tous les jours. L'offre alimentaire (quantités, qualité des produits et des process) et les pratiques et représentations qu’ont les élèves de la nourriture sont à l’origine de ce gaspillage.
Les chefs de restaurations scolaires craignent que l’enfant puisse ne pas manger pas à sa faim. Une des réponses apportée aux parents consiste à proposer des plats en quantité suffisamment importante, souvent surévaluée par rapport à la quantité réellement consommée.
Mais pourquoi continuer à proposer à l’ensemble des élèves des poêlées de légumes si elles ne séduisent qu’une partie des élèves ? Pour éviter de gâcher de la nourriture, mieux vaut adapter les quantités servies à l’appétit réel des élèves. Et il ne s’agit pas d’en rester là. Il faut aussi stimuler l’envie de goûter des convives pour qu’ils aient envie de se servir. Travailler sur le comportement alimentaire des élèves est un bon levier pour atteindre cet objectif. Si la dimension « plaisir » de manger n’existe pas, s’en tenir à ajuster les quantités produites ne résoudra pas durablement la question du gaspillage alimentaire dans la restauration scolaire. Nous menons ainsi des découvertes sensorielles des aliments. Les jeunes ne peuvent pas vraiment réaliser ce que signifie manger 100 g de protéines par jour. En revanche, ils apprécient qu’on leur apprenne à apprécier les aliments dans leur assiette. Les locaux, la manière d’accueillir, de servir les élèves sont importants. Nous « mangeons » aussi une part d’affectif.
Eric Birlouez, agronome, historien de l’alimentation
Notre rapport à l’alimentation s’est considérablement modifié ces cinquante dernières années. Tous ces changements du « système alimentaire », qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels ont banalisé la nourriture et l’acte alimentaire. Or, les biens que l’on est tenté de gaspiller sont ceux auxquels on n’attribue pas ou peu de valeur.
80 % du contenu de nos assiettes sont désormais composés d’aliments industriels. La multiplication des intervenants dans la chaîne de fabrication d’un produit alimentaire, combinée à l’éloignement des urbains vis-à-vis de la terre ont modifié notre rapport au produit. L’aliment moderne n’a plus d’identité. A l’inverse, une consommation de proximité entretient une relation familière avec les aliments. Nous avons tous fait l’expérience d’acheter un fromage au lait cru sur un marché local pendant nos vacances. Nous n’éprouvons pas la même chose lorsqu’il s’agit d’acheter un fromage frais dans un supermarché ! Prendre conscience de la valeur identitaire, et aussi culturelle et humaine d’un produit est essentiel pour éviter de gaspiller.
La dimension sociale de l’alimentation a également évolué. Que ce soit au petit-déjeuner ou au déjeuner, le nombre de repas pris en solitaire s’est accru. Et en étant moins exposé au regard des autres, nous sommes plus enclins à jeter.
Face à l’abondance alimentaire d’aujourd’hui, nous n’avons plus conscience de la valeur vitale de la nourriture. De même, sa valeur « sacrée » et symbolique a décliné.
La réponse pour moins gaspiller est certes comportementale et technique (assouplissement des normes de calibrage, dates limites de consommation optimales…), mais il faut aussi restaurer une véritable culture de l’alimentation et redonner du sens à l’acte alimentaire.
L’huile de palme est principalement utilisée dans les produits alimentaires (80%) mais aussi dans les produits comme les cosmétiques et les détergents (20%). 50 millions de tonnes ont été vendues en 2012.
Conséquences écologiques et sociales
D’abord celle de la déforestation de zones tropicales, le bassin du Congo, l’Amazonie et l’Indonésie. Elle entraine la perte de biodiversité et menace la pérennité de certaines espèces comme le tigre de Sumatra et l’orang-outan.
Ensuite, celle du déracinement des populations locales. Les grandes entreprises traitent souvent directement avec les gouvernements ou les autorités locales concernant la confiscation des terres et donc des ressources des habitants. La détérioration de leurs conditions de vie qui en découle induit leur départ. Ces populations se voient alors parfois contraintes de s’installer dans les bidonvilles des grandes métropoles.
Une obligation de notifier sa présence
D’ici la fin de l’année, les professionnels devront préciser obligatoirement s’ils utilisent de l’huile de palme dans la liste des ingrédients. Cet élément permettra au consommateur de faire un choix éclairé en termes d’impact environnemental et social, au-delà des considérations nutritionnelles du produit.
Des structures existent mais leurs décisions ne sont pas contraignantes
Aujourd’hui, il n’existe qu’une seule structure internationale chargée de faire évoluer les pratiques vers une production plus durable : Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), créée en 2004. Malheureusement les contraintes qui pèsent sur ses membres ne sont pas assez fortes aujourd’hui pour améliorer la situation de manière significative.
En France, l’Alliance Française pour l’Huile de Palme Durable - qui regroupe les entreprises principales utilisatrices d’huile de palme dans l’agroalimentaire français - s’est engagée à utiliser 100% d’huile certifiée RSPO dans ses approvisionnements d’ici à 2015.
Mais côté santé, qu’apporte le « bio » en plus de l’agriculture conventionnelle ? L’agriculture biologique est-elle un moindre mal pour la santé des consommateurs ou présente -t’elle des qualités sanitaires réellement bénéfiques pour les consommateurs ?
Une plus-value nutritionnelle
Trois éléments se trouvent en plus grande quantité dans les produits « AB » : les polyphénols (+ 15 à 100%), la vitamine C (+ 16%), le magnésium et le phosphore (+10% environ)1. Ils interviennent dans le métabolisme et la croissance.
Pour les minéraux, il n’y a pas de différence notable entre les produits « AB » et ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Les premiers contiennent cependant moins de nitrates et de métaux lourds du fait d’un moindre apport en engrais et de l’interdiction d’utiliser des boues d’épuration. En élevage, les omégas 3 sont largement plus présents dans les viandes et surtout le lait « bio » (+70% en moyenne2). Mais cela n’est pas dû en soi au fait que l’alimentation des animaux soit « bio » mais à l’introduction de certains végétaux comme la luzerne ou le lin. Des résultats similaires peuvent donc être obtenus en agriculture conventionnelle en utilisant les mêmes mélanges de végétaux. Certaines filières d’élevage non-bio ont d’ailleurs mis en place ce type d’alimentation pour leur bétail.
Par ailleurs, quand bien même la composition nutritionnelle des produits biologiques et conventionnels serait différente, cela ne prouve pas qu’elle ait une influence sur la santé. La population française ne souffre pas de carences (hormis la vitamine D) ; difficile donc d’évaluer l’impact de tel ou te nutriment sur la santé.
« Bio » n’est pas « diététique »
En ce qui concerne les produits transformés issus de l’agriculture biologique, leur composition nutritionnelle ne diffère pas notablement des autres. Dans les deux cas, un gâteau gras et sucré le restera. Qu’il soit bio ou non, il faudra en limiter la consommation car « bio » ne veut pas dire « diététique ».
Des pesticides « naturels » : aussi nocifs ?
Certes, selon la dernière étude américaine, 45% des échantillons de l’alimentation « conventionnelle » serait « contaminée » par des pesticides. Mais si les agriculteurs « bio » utilisent des produits naturels, ces derniers n’en sont pas moins actifs et donc potentiellement dangereux pour la santé.
Les détracteurs de l’agriculture biologique alertent sur le fait que l’interdiction des produits de synthèse induit un risque de contamination plus élevé des produits biologiques. Ce n’est pas vrai. Les produits biologiques ne sont pas plus contaminés par des bactéries ou des champignons que ceux des autres types d’agriculture. Par ailleurs, la France, à l’inverse de certains pays étrangers, a interdit l’utilisation des antibiotiques comme accélérateur de croissance depuis 2006.
La différence : le système agricole
Consommer des produits biologiques est d’abord d’un intérêt collectif. C’est d’ailleurs la motivation des tous premiers consommateurs de « bio ». Par les techniques employées, l’agriculture biologique limite les impacts sur l’environnement et surtout la pollution de l’eau. Il ne faut pas se limiter à la production agricole mais regarder aussi les habitudes alimentaires. Généralement, les personnes adeptes des produits biologiques s’alimentent différemment (plus de fibres, de fruits et légumes), pratiquent une activité régulière. Finalement, n’est-ce pas aussi cela qui procure une meilleure santé ?
1 Les écarts se justifient par les différences de mode de production et de l’environnement
2 14 études menées depuis 6 ans convergent sur ce chiffre.
En toute objectivité
- Le label bio européen ne garantit en rien le caractère écologique (bilan carbone) ou équitable des produits. Pourtant, selon le récent sondage de Terra eco, 52 % pensent que le label bio intègre des critères de production locale et 41 % de commerce équitable.
- Les chiffres clés du secteur bio (source : Ministère de l’Agriculture)
57 % : le bio progresse dans la restauration collective. 57 % des établissements ont proposé des produits bio en 2012 (contre 4 % en 2006).
Plus 104 % : le nombre de producteurs bio a plus que doublé entre 2007 et 2012, passant de près de 12 000 à 25 0000 au 15 mai 2013.
x 2 : La consommation de produits bio en France a doublé au cours des cinq dernières années. Elle est passée de 2 milliards d’euros en 2007 à plus de 4,1 milliards en 2012.
- Agriculture biologique : le cahier des charges
Pour les productions végétales : rotation pluriannuelle des cultures, culture d’engrais verts et de légumineuses, recyclage et compostage des matières organiques provenant de l’exploitation elle-même ou d’exploitations voisines en agriculture biologique (ex : le fumier comme engrais), limitation stricte de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, engrais de synthèse, antibiotiques, additifs, auxiliaires de transformation et autres intrants, interdiction des OGM ; choix d’espèces végétales et animales résistantes aux maladies et adaptées aux conditions locales
Pour les productions animales : tous les animaux ont un accès en plein air et disposent d’une surface minimum, la taille des élevages est limitée, alimentation 100% d'origine biologique, interdiction du gavage et alimentation des jeunes mammifères s au lait maternel, application de la réglementation générale sur les vaccins et les traitements obligatoires
(Source : Règlement en Agriculture Biologique - Agence BIO)
La parole aux expertsDenis Lairon, Directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
« Il y a assez d’études scientifiques pour adopter un discours de précaution »
Une dizaine de synthèses d’études comparatives entre alimentation « bio » et conventionnelle existe et l’impact sur la santé des produits non-bio a été mis en évidence. Concernant les allergies, une comparaison de grande ampleur a été menée en Europe du Nord entre des écoliers nourris avec du « bio » et du « conventionnel ». Les risques d’allergie et d’eczéma sont plus faibles chez les premiers, de 30 à 40%, en partie grâce aux produits laitiers. Si la relation de cause à effet n’a pas été démontrée, le fait est que l’impact du bio sur la santé apparaît ici.
Par ailleurs, des liens ont été établis entre résidus de pesticides et obésité ou diabète de type II, et d’autres pathologies graves comme des cancers, comme vient de le confirmer un rapport de l'INSERM. Ce n’est pas simplement parce que les personnes bougent moins ou mangent mal qu’elles souffrent de ces épidémies. Preuve en est que les molécules les plus toxiques des pesticides ont été interdites sur le marché il y a des dizaines d’années. Les perturbations endocriniennes que les résidus de pesticides induisent sont désormais admises. Tout cela fait que le discours de précaution ne doit pas être pris à la légère. Regardez le bisphénol A : deux ans après avoir parlé de ses effets, il a été retiré du marché. Ce n’est pas la Science qui a fait un bond en deux ans !
Si les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) portent sur la consommation de tel ou tel aliment, c’est aussi parce qu’un partie de la population est en déficit d’apport de certains nutriments. Et pour elle, le « bio » peut être efficace, pour les fibres notamment, dont nos apports sont la moitié de nos besoins. Or, les farines bio sont surtout des farines complètes ou semi-complètes, bien plus riches en fibres, minéraux et vitamines que les conventionnelles très raffinées.
Denis Corpet, Directeur de l'équipe "Aliment et Cancer" à l’Inra-Envt (Institut National de Recherche Agronomique)
Savoir si le bio est bon ou non pour la santé est une non-question. Les aliments traditionnels ne sont pas toxiques en soi et les résidus de pesticides présents dessus, s’ils le sont pour les insectes, le sont très très peu pour nous. En tous les cas, personne n’a réussi à démontrer le contraire. Par exemple, si j’extrapole la dose cancérigène quand je bois un verre de vin, j’ingère autant d’ « éléments cancérigènes » (c’est l’alcool) que dans 25 millions de pommes avec leur peau issues de l’agriculture conventionnelle. La législation s’améliore et la pollution diminue. Aujourd’hui il y a mille fois moins de résidus de plomb dans l’air qu’avant et autant de moins qui se retrouvent sur les fruits par exemple. Et tuer les insectes parasites permet de préserver la moitié de notre production. Un champ de maïs ici ou en Afrique ce n’est pas vraiment le même rendement !
Outre le fait que le bio permet de créer des emplois et de protéger la biodiversité, il a surtout l’avantage de préserver la santé des agriculteurs « conventionnels » qui sont en contact physique avec les pesticides. Des études montrent qu’ils attrapent un peu plus souvent des maladies telles que le Parkinson (x2) ou le cancer du sang (x1,3). Mais ils absorbent des doses de 1 million de fois plus élevé que les consommateurs !
Entre les deux, l’agriculture raisonnée (moins d’intrants) me parait plus réaliste même pour les agriculteurs qui doivent vivre aussi financièrement! Et puis je trouve cela bien de laisser le choix aux consommateurs entre différents produits issus de différentes cultures. Tout le monde n’a pas les mêmes préoccupations et le même budget.
Zoom sur : Les perturbateurs endocriniens
Explication par Franck FOURES, Directeur adjoint chargé de la santé-alimentation à l’Anses*.
Que sont les perturbateurs endocriniens ?
Ce sont des substances chimiques qui perturbent la sécrétion des hormones. Ils peuvent être d’origine artificielle, souvent la conséquence d’activités humaines (traitement des cultures, médicaments, industrie chimique, …) et être présents dans notre environnement (eaux, aliments, produits de consommation…). C’est le cas du bisphénol A ou des phtalates répandus les contenants alimentaires, peintures, cosmétiques…
Quels sont leurs effets toxiques ?
Ces substances peuvent altérer différents processus tels que la production de l’énergie et plus largement le développement. Certaines peuvent nuire à la fertilité ou perturber le développement du fœtus. Il semble que la période d’exposition de notre corps à ces substances soit plus importante que la dose elle-même si bien que les premiers stades du développement in utero puis dans les premiers âges de la vie sont décisifs.
Pouvez-vous nous parler de « l’effet cocktail » ?
Si une surveillance est nécessaire, la présence de traces de contaminants ne signifie pas nécessairement un risque pour la santé des consommateurs. Il existe un cadre réglementaire très strict qui fixe des seuils. Néanmoins, la question des effets combinés d’une exposition à de multiples contaminants présents à faible dose se pose. Le programme de recherche Périclès de l’ANSES a ainsi sélectionné 7 combinaisons de contaminants sur lesquelles elle mène des études toxicologiques pour travailler sur cette approche des effets cocktail.
*Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail.